S GROSJEAN
La petite histoire de la dévolution successorale en France
depuis l'empire romain jusqu'au Code civil de 1804.
Quatre périodes de notre droit ont été successivement abordées : le droit romain, l'ancien droit français depuis le haut moyen âge jusqu'à la fin de l'ancien régime, le droit révolutionnaire dit droit intermédiaire, et le code napoléon de 1804.
Il existe différents modes de dévolution successorale
- la dévolution légale ou " ab intestat " (celle définie par la loi en l'absence de testament), - la dévolution testamentaire,
- la dévolution contractuelle (lorsque deux personnes conviennent d'instituer par contrat l'une d'elles héritière de l'autre).
La dévolution testamentaire comme la succession contractuelle suppose l'existence de volonté. Les conséquences du testament ne seront pas toujours, selon les époques de notre droit, celles désirées en raison des limites que pose la loi à la liberté testamentaire.
Chacun sait que dans notre droit actuel on ne peut déshériter totalement certains de ses héritiers : il s'agit des descendants (enfants, petits enfant, etc.) et des ascendants privilégiés (père et mère).
A Rome et dans les provinces romaines, il était impensable qu'une personne, surtout le père de famille ou pater familias, décède sans avoir fait un testament. Mourir intestat y était considéré comme un déshonneur. Le testament constituait un instrument de la puissance paternelle et il n'existait aucune limite au pouvoir de tester. Il était permis de totalement déshériter même ses enfants. Mais devant les abus d'exhédération commis, il a été institué, par la Novelle 118 du Code Justinien, à la fin de l'empire romain, un minimum de part successorale que certains membres de la famille devaient recueillir. Cette part réservée de succession s'appelait la Quarte falcidia ou légitime de droit. Elle est à l'origine de la réserve héréditaire que nous connaissons de nos jours, mais bénéficiait non seulement aux enfants et aux père et mère du défunt mais également à ses frères et sœurs, et son montant était forfaitairement fixé à 1/4 des biens de la succession.
Dans le sud de la France, après la chute de l'Empire Romain jusqu'à la révolution de 1789, les mêmes règles s'appliquaient. Le droit successoral était calqué sur le droit romain, à ceci près qu'il existait également une part réservataire au profit de la veuve (égale au 1/4 de la succession) connue sous le nom d'Augment de dot ou Quarte du conjoint pauvre.
En revanche dans le pays d'Oil, au nord de la Loire, le droit successoral, inspiré des coutumes germaniques, était très disparate ; chaque région ou province avait son propre droit ou Coutume. La tradition germanique considérait qu'une personne n'était pas propriétaire privatif de ses biens et que ceux-ci appartenaient à sa famille. Aussi, le testament n'avait guère droit de cité. Chaque coutume déterminait qui devait succéder au défunt et dans quelles proportions. Malgré leur grande diversité, les Coutumes scindaient la succession en deux : d'un côté les biens venant par succession ou donation de la famille du défunt (ce sont les propres) et de l'autre les biens acquis par lui ainsi que les meubles (ce sont les conquêts). Le défunt ne pouvait disposer par testament des biens propres qu'à concurrence d'un quart (dit Quart datif) les trois autres quarts étant réservé aux représentants vivants de la famille dont ils étaient issus aussi éloignés soient-ils en parenté. Il s'agissait de la règle dite des Quatre quints. Le défunt n'était guère plus autorisé à léguer à sa guise des conquêts. En effet, la moitié devait obligatoirement revenir à sa famille par le sang et l'usufruit du reste appelé douaire était dévolu au conjoint survivant.
Cette double législation s'est maintenue jusqu'en 1789.
Pour des raisons d'ordre politique et philosophique, le Droit révolutionnaire fit table rase des règles du passé en créant de nouvelles règles applicables à tout le territoire français, par une loi du 17 Nivôse an II qui fut la première loi rétroactive de l'histoire du droit français ! Afin d'éviter que par le jeu des testaments, les citoyens ne rétablissent les dispositions de l'Ancien Droit, la Convention décida que l'on ne pouvait tester que pour 1/9"' de ses biens, les 8/9èmes restant constituant la réserve héréditaire obligatoirement dévolue aux descendants et aux ascendants. Il fut créé un nouvel ordre d'héritier venant à la succession à défaut de successible par le sang : l'Etat.
Oeuvre de transaction entre le Droit Coutumier (où la famille absorbe l'individu) et le Droit Ecrit (où l'individu prime la famille) le Code civil, promulgué en 1804 à l'initiative de Napoléon 1", a tenté de concilier les traditions opposées de l'Ancien Régime avec l'héritage révolutionnaire en introduisant un certain équilibre entre le légal et le volontaire. L'individu recouvra le pouvoir de disposer librement de ses biens par voie testamentaire. Mais cette liberté fut assortie d'une limite, la réserve héréditaire, au profit des seuls héritiers en ligne directe (à l'exclusion de tous autres tels que grands-parents, frères et sœurs) qui se sont vus alloués une part minimum de succession.
Bien que les grands principes aient été posés en 1804, notre droit successoral a, depuis, beaucoup évolué.
Mais cela est un autre sujet ..... qui peut-être fera l'objet d'une prochaine conférence statutaire !