S GROSJEAN

LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
par Stéphane GROSJEAN
CONFÉRENCE DU 10 FÉVRIER 2000

La loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité a pour objet essentiel de créer un nouveau contrat spécifique de la vie en couple et, secondairement, apporte au concubinage la consécration d'une définition légale.
Il n'est pas besoin de s'étendre longuement sur les origines de ce texte qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Nul n'ignore les raisons idéologiques et prosaïques qui ont guidé ses auteurs
satisfaire aux doléances d'une minorité de nos concitoyens qui, revendiquant le droit à la différence, choisissent de le conjuguer sur le mode de la ressemblance et, ce faisant, entendent bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les couples traditionnels.
La loi du 15 novembre 1999 comporte donc deux séries de dispositions - les premières définissent le régime juridique du PACS, - les secondes déclinent les effets de ce contrat en matière fiscale et sociale.
Parallèlement, est donnée une définition du concubinage.
Pour comprendre ce qu'apporte le PACS, il faut rapprocher ses attributs de ceux de deux autres « institutions » : le mariage et le concubinage.

I.- LE RÉGIME JURIDIQUE DU P.A.C.S.

Avant d'examiner quelles sont les personnes qui peuvent « pacser », ses effets juridiques et les formalités commandant la vie du contrat, il convient de définir la nature du PACS.
A.- NATURE JURIDIQUE DU P. A. C. S.
Le PACS est un contrat conclu entre deux personnes, appelées « partenaires », pour organiser leur vie commune.
Quant au mariage, c'est un acte de nature mixte, à la fois contrat et institution : contrat lorsque l'on désigne l'accord de volonté qui le crée, institution lorsque l'on considère le statut qui en résulte.
Certes, le PACS crée un statut des partenaires dont les droits et obligations réciproques semblent, à bien des égards, se rapprocher de ceux du mariage. Mais à la différence du mariage, les obligations résultant du PACS ne lui survivent pas. Dans le mariage, en cas de divorce pour rupture de la vie commune, l'époux défendeur continue à bénéficier d'un certain statut d'époux, en ce sens que l'obligation d'entraide conjugale persiste malgré le divorce. Il n'en est rien pour le PACS dont la rupture mais fin à toute obligation des pacsés l'un envers l'autre.
Le concubinage se distingue du PALS, en ce qu'il est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple. Telle est la définition donnée par le nouvel article 515-8 du Code civil. Il n'y a aucun contrat obligatoire, ni engagements réciproques entre les concubins.
On trouve désormais, au regard de leur situation «familiale », quatre catégories de citoyens : les célibataires, les personnes mariées, les partenaires d'un PACS et les concubins.

B.- PERSONNES POUVANT CONCLURE UN P.A.C.S.

Le principe
Le PACS ne peut être conclu que par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, en vue d'organiser leur vie commune (art. 515-1 du Code civil).
Les interdictions
Le PACS est nul, lorsqu'il est conclu :
entre ascendants et descendants en ligne directe ; de même pour le mariage.
entre alliés en ligne directe, de même pour le mariage.
 entre collatéraux jusqu'au 3"e degré inclus (oncle et nièce) ; alors que pour le mariage, l'interdiction s'étend jusqu'au 4è` degré inclus (grand-oncle et petite nièce).
par une personne déjà mariée ou déjà pacsée ; alors qu'une personne déjà pacsée peut se marier (le mariage avec un tiers met alors fin au PACS).
par un mineur même émancipé; alors que la femme de plus de 15 ans peut se marier, voire plus tôt avec une dispense pour motifs graves
par une personne majeure placée sous tutelle; alors qu'elle peut se marier après autorisation.
A la différence du mariage, il n'existe aucun délai de viduité (300 jours depuis la dissolution du mariage précédent pour le remariage des femmes).
De plus, il n'existe aucune dispense possible, contrairement aux empêchements à mariage.

C.- FORMALITES COMMANDANT LA CONCLUSION ET LA RUPTURE DU P.A.C S.

Forme du contrat
Le contrat de PACS doit être établi en « double original », soit par acte sous seing privé, soit par acte authentique devant notaire.
Il contient la mention du consentement au PACS, les modalités de la vie commune, la résidence, l'éducation des enfants, les engagements financiers réciproques, le régime des biens, les modalités de leur gestion et de leur partage, etc...

D.- EFFETS JURIDIQUES DU PAC.S.

Communauté de vie
Comme pour le mariage, le PACS implique une communauté de vie; il ne s'agit pas simplement d'une simple cohabitation mais une véritable vie de couple
• résidence et logement communs, pour le mariage, une résidence séparée peut être autorisée ; alors que pour le mariage, un époux ne peut disposer (vente, résiliation de bail, etc.) des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, aucune règle similaire n'existe pour le PACS et le concubinage.
• aucune obligation de cohabitation charnelle, à la différence du mariage.
• aucune obligation de fidélité, à la différence du mariage.
Obligations mutuelles
Les partenaires doivent s'apporter une « aide mutuelle et matérielle » dont les modalités sont fixées dans le Pacte. Toute clause contraire est nulle. Dans le silence du pacte, il appartient au juge de les préciser « en fonction de la situation respective des partenaires ».
Cette obligation est à rapprocher du devoir de secours et d'assistance entre époux.
Aucune obligation de cette nature n'existe entre concubins.
Si les gendres et belles-filles sont tenues à une obligation alimentaire envers leurs beaux-parents, il n'existe aucune obligation similaire à la charge des partenaires ni des concubins.
Solidarité pour certaines dettes
Les partenaires sont tenus solidairement, à l'égard des tiers, des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun (c'est-à-dire qu'un créancier peut poursuivre en vue du paiement de sa créance pour le tout indifféremment l'un ou l'autre des pacsés).
Cette solidarité a été calquée sur la solidarité pesant sur les époux en matière de dettes ménagères.
Autorité parentale, filiation, procréation
Le PACS est sans effet sur les règles de la filiation et de l'autorité parentale. Il ne confère pas aux partenaire le droit d'adopter ensemble un enfant ou, en cas d'identité de sexe, de recourir à une procréation médicalement assistée.
Régime des biens acquis pendant le PACS
Meubles meublants
Le pacte doit indiquer si les partenaires entendent soumettre au régime de l'indivision les meubles meublants (tables, chaises, téléviseurs, etc.) que les partenaires acquerront ultérieurement à titre onéreux (c'est-à-dire autrement que par voie de donation ou succession). Dans le silence de la convention, ces meubles meublants sont présumés indivis par moitié. Il en va de même lorsque leur date d'acquisition ne peut être établie.
Il est inutile de développer l'intérêt qu'il y a à établir un inventaire préalable des biens dont les partenaires sont propriétaires avant la conclusion du PACS, pour éviter des contestations ultérieures.
Pour les concubins, les meubles meublants appartiennent à celui qui dispose d'un titre de propriété, d'une facture ou qui en a la possession non équivoque. A défaut, ils sont présumés appartenir indivisément par moitié aux concubins.
Pour les personnes mariées, c'est le régime matrimonial qui détermine le droit de propriété.
Autres biens
Les autres biens (immeubles, fonds de commerce, parts de société, etc.) acquis à titre onéreux sont présumés indivis par moitié entre les partenaires, à moins que le titre d'acquisition n'en dispose autrement.
Pour les concubins, il n'existe aucune présomption d'indivision ; c'est le titre d'acquisition qui détermine le droit de propriété.
Pour les époux, il faut faire application du régime matrimonial pour déterminer les droits de propriété de chacun.
Attribution préférentielle
Le pacsé survivant pourra, dans les mêmes conditions que le veuf ou la veuve, en cas de décès de son partenaire, exiger de se faire attribuer préférentiellement, dans le cadre du partage de la succession, le logement ou l'entreprise (commerciale, artisanale ou industrielle).
Il n'existe aucune attribution préférentielle au profit des concubins.
Vocation héréditaire
Le PACS, comme le concubinage, ne crée aucune vocation héréditaire entre les partenaires, à la différence du mariage.
Seule la voie testamentaire permet d'instituer l'un des partenaires héritier de tout ou partie des biens de l'autre, sauf à respecter la réserve héréditaire des descendants et ascendants du défunt.
Donations entre vifs
A l'instar de celles consenties à des tiers (notamment entre concubins), les donations entre vifs faites par l'un des partenaires à l'autre sont irrévocables même après rupture.
En revanche, les donations de biens présents comme à venir faites entre époux, sont librement révocables à tout moment et sans préavis par le donateur.

Déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance
Les futurs pacsés font ensuite une déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel ils fixent leur résidence commune. Cette formalité rend le PACS opposable aux tiers.
Après vérification de l'ensemble des pièces du dossier, le greffier inscrit cette déclaration sur un registre spécial et en fait porter mention sur un autre registre, celui-ci, au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire.
Les deux originaux du PACS sont restitués aux partenaires.
Modification du contrat
Le PACS peut être modifié dans les mêmes conditions de formes et de procédure que pour sa conclusion.
Rupture du pacte
Le PACS prend fin
soit d'un commun accord entre les partenaires, au moyen de la remise d'une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance du ressort où l'un d'entre eux a sa résidence.
Cette déclaration de rupture est transcrite par le greffier : en marge de la déclaration du pacte initial (le PACS prend fin à ce moment), en marge du registre du greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance des ex pacsés.
soit par la décision unilatérale de l'un des partenaires, l'autre pouvant obtenir, comme en matière de concubinage, des dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de cette rupture et ce, nonobstant toute clause contraire du pacte.
Dans ce cas, le « répudiant » doit signifier par acte d'huissier de justice au « répudié » sa décision. L'huissier de justice adresse une copie de la signification au greffe du tribunal qui a enregistré la déclaration initiale de PACS. Le PACS prend fin 3 mois après la signification.
soit par le mariage avec un tiers de l'un des partenaires, l'autre pouvant également demander réparation, le cas échéant, du préjudice qu'il aurait subi du fait de cette rupture.
Là encore, le futur marié en informe son partenaire par voie de signification par acte d'huissier de justice, lequel en adresse copie au greffe du tribunal d'instance qui a enregistré la déclaration initiale de PACS. Le PACS prend fin à la date du mariage.
soit par le décès de l'un des partenaires, le survivant ou tout autre intéressé devant alors envoyer une copie de l'acte de décès au greffe du tribunal qui a enregistré la déclaration initiale de PACS.
Lors de la rupture, les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant du PACS ; à défaut d'accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture.

II.- LE STATUT SOCIAL ET FISCAL DES PARTENAIRES DU P.A.C.S.

A.- MESURES D'ORDRE FISCAL

Impôt sur le revenu
Les partenaires d'un PALS font l'objet d'une imposition commune, à compter seulement de l'imposition des revenus de l'année du 3"e anniversaire de l'enregistrement du PALS au greffe.
Ils sont donc assimilés aux couples mariés, ce qui, en pratique, se révèle avantageux lorsqu'il existe un grand écart de revenus.
Pour les concubins, imposition séparée.
Impôt de solidarité sur la fortune
Les partenaires d'un PACS font l'objet d'une imposition commune, dès la conclusion du pacte.
Cette disposition n'est pas spécialement attractive en pratique.
Pour les époux, imposition commune. Pour les concubins, imposition commune dès lors que le concubinage est notoire, sinon imposition séparée.
Droits de mutation à titre gratuit entre partenaires (donation, succession)
Les pacsés bénéficient désormais d'un abattement et d'un tarif particuliers, à la condition (pour les donations seulement) d'être liés par PACS depuis au moins 2 ans.
Aucun avantage particulier pour les concubins qui sont fiscalement considérés comme des étrangers entre eux.

Abattement en fonction du taux d'imposition
Entre époux
500.000 FRF
de 5 à 20% jusqu'à 3.400.000 FRF
au-delà: 30% à 40%

Entre partenaires d'un PACS
375.000 FRF
40% jusqu'à 100.000 FRF
50% au-delà

Entre concubins
néant
(sauf succession: 10.000 FRF)
60%

B.- MESURES D'ORDRE SOCIAL

Bail d'habitation
En cas d'abandon de domicile ou de décès du locataire, le bail continue de plein droit au profit de son partenaire pacsé, sans condition d'ancienneté du PACS.
II en est de même pour le conjoint marié et le concubin notoire (ce dernier sous condition d'ancienneté de résidence commune d'au moins un an).
Sécurité sociale Le pacsé non couvert personnellement par l'assurance maladie, maternité, décès, bénéficie et sans délai de la protection sociale si son partenaire est assuré social.
Prestations sociales Le droit à l'allocation de soutien familial ou à l'allocation veuvage cesse lorsqu'un PACS est conclu.
Droit du travail Le pacsé est assimilé, au regard du droit du travail, à un conjoint.
Les partenaires peuvent demander à prendre leurs congés ensemble et bénéficier de congés exceptionnels en cas de décès de l'un d'eux.
Dans les fonctions publiques hospitalières, territoriales et d'Etat, les pacsés pourront prétendre à bénéficier du rapprochement géographique, en cas d'éloignement.
Pension de réversion
Comme un concubin, le pacsé ne peut prétendre à une pension de réversion.
Titre de séjour Le PACS est un élément d'appréciation des liens personnels en France qui permet d'obtenir, de plein droit, la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».