Le Canal du Midi

            L’idée de relier l’Atlantique à la Méditerranée par un canal coupant       l’« isthme gaulois », et plus précisément reliant la Garonne à la Méditerranée à travers le Languedoc, en empruntant les larges vallées de l’Hers mort, affluent de la Garonne, d’une part, de l’Aude et de son affluent le Fresquel d’autre part, remonterait à l’Antiquité. Sous Auguste, afin d’éviter le détour par les « Colonnes d’Hercule », c’est-à-dire Gibraltar, pour acheminer vers Rome le cuivre, le zinc, l’or et l’étain de Grande Bretagne et les produits de l’Aquitaine, on aurait envisagé le creusement d’une tranchée entre les deux mers, comparable au canal de Corinthe. Un tel projet n’est pas pour étonner de la part des Romains, mais les 200 mètres d’altitude du Seuil de Naurouze ont tout de même dû les décourager.
            Le projet aurait été repris par Charlemagne, mais encore abandonné pour la même raison. En 1539, en ce 16ème siècle où Adam de Craponne ( 1527-1576 ) fait figure de pionnier avec son aqueduc de la Durance à Arles, et où l’écluse de la Vilaine a été inaugurée la même année, l’idée d’une liaison Garonne-Aude est réétudiée à la demande de François 1er par un ingénieur toulousain et intéresse les Etats du Languedoc. En 1598, nouvelle étude, à l’initiative d’Henri IV, par le cardinal de Joyeuse, archevêque de Narbonne et ès-qualité président-né des Etats de la province ; des plans sont établis puis délaissés.
            Dès cette époque on a ressenti les inconvénients que présente pour la France le manque de voies de communication fluviale. Tandis qu’un chariot attelé de six chevaux et conduit par deux hommes porte au maximum 3 tonnes, un bateau tiré au maximum par six chevaux et conduit par deux mariniers peut porter 300 tonnes, soit cent fois plus et l’économie du salaire de près de 200 hommes, plus la nourriture et l’entretien de près de 600 chevaux. Malgré les  améliorations envisageables du roulage et la nécessité d’employer des chevaux bien qu’en nombre moindre dans l’hypothèse d’un canal, l’économie à attendre d’un transport par voie d’eau peut être estimée à 4/5 par rapport aux milliers de tombereaux, chevaux, ânes et mulets qui prennent alors le relais des gabares de la Garonne sur de méchantes routes jusqu’à la Méditerranée. Quant au trajet maritime de Bordeaux à Marseille par Gibraltar, il est de 700 lieues, soit six à sept mois de navigation, exposée aux taxes prohibitives de Sa Majesté très catholique espagnole, ou à ses canons, et à la piraterie des Barbaresques. La durée de la traversée serait ramenée à deux ou trois semaines par un canal, en toute sécurité. En 1614 les Etats en reparlent et la perspective d’une réalisation pratique se dessine en 1618 avec un nouveau projet établi par le biterrois Arribat, comportant un système d’écluses inspiré de l’expérience hollandaise, analogue à celui envisagé pour le canal de Briare projeté entre la Loire et le Loing, prévoyant aussi la construction d’un port à Béziers. Mais le manque d’eau en période sèche fait décréter le projet « nuisible », et les votes défavorables l’emportent aux Etats du Languedoc.
Un homme, Guillaume Riquet, biterrois, membre du Conseil languedocien, procureur du Roi, notaire et homme d’affaires qui, lui, a émis un vote favorable, est conscient de l’intérêt de réaliser à tout prix un canal, et déplore l’attitude négative de ses collègues. Nul doute que ses propos en famille n’ont pas laissé indifférent son tout jeune fils Pierre-Paul. La grande question que se posent les ingénieurs est de savoir où prendre l’eau pour remplir des réservoirs alimentant en permanence le futur canal au point le plus bas de la ligne de partage des eaux. Et la réponse à cette question, c’est Pierre-Paul, fils de Guillaume, qui va l’apporter, et faire du canal l’affaire de sa vie.
Né en 1604 à Béziers, Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos ( ou Bonrepaux ), est depuis 1660 fermier des Gabelles du Languedoc, profession très sûre à l’époque pour accumuler une fortune. De par ses déplacements il a une grande connaissance du terrain, et spécialement de la Montagne Noire, peu éloignée de sa propriété de Bonrepos, et dont il se rapproche encore en s’installant à Revel. Il a pour ami un « fontainier », Pierre Campmas, dont il va recueillir les conseils. L’idée lui vient d’arrêter par des barrages les eaux de cinq ruisseaux qui descendent sur le flanc sud de la Montagne Noire : l’Alzeau, la Vernassonne, le Lampy et ses affluents le Lampillon ( ou Lampyléon ou   Lampiot ) et le Rieutort ; de les collecter par une rigole et de les joindre à celles du Sor, affluent de l’Agout et sous-affluent du Tarn, qui coule sur le versant nord et sera barré par une digue. L’ensemble de ces eaux sera amené au point le plus bas de la ligne de partage des eaux. Ce point, Riquet l’a déterminé avec précision, en l’absence de toute carte géographique fiable, armé seulement d’un méchant compas de fer, et observant les eaux de la fontaine de la Grave à Naurouze, qui s’écoulent naturellement dans les deux sens opposés. C’est le « col » ou mieux le seuil de Naurouze, ou du Lauragais, à l’altitude exacte de 189 mètres.
La première conception de ce système date de 1651. Riquet calcule le débit et le volume des cours d’eau. Ces calculs confirment que le problème technique de l’alimentation en eau est résolu. Une maquette est réalisée en bouleversant le terrain de la propriété de Bonrepos. Elle permet une démonstration qui soulève l’enthousiasme de tous les proches de cet inventeur d’un nouveau genre, parmi lesquels l’archevêque de Toulouse D’Anglure de Bourlemont, qui propose ( en 1661 ) d’en parler à Colbert. Reste en effet à convaincre les plus hautes autorités, en sachant que le problème le plus ardu sera celui du financement.
C’est en 1663 que les plans sont présentés à Paris à Colbert, qui comprend l’intérêt tant militaire qu’économique du projet, et désigne une commission d’experts. En 1664, l’ingénieur François Andréossy présente une carte du système de rigoles prévu pour l’alimentation du canal.  A la cour, on se gausse de « la rigole à Riquet ». Mais en 1665, en à peine plus de trois mois, est réalisée, par 400 ouvriers, la rigole d’essai double amenant les eaux du versant sud de la Montagne Noire dans le Sor, sur le versant nord, en amont de l’actuelle retenue des Cammazes, puis captant les eaux du Sor, plus en aval, à Durfort, pour les amener à Naurouze. La brillante démonstration de son fonctionnement, en octobre 1665,  emporte l’adhésion du roi Louis XIV.
Le canal sera le deuxième canal de liaison creusé en France, après le canal de Briare ouvert en 1642, mais le premier à une telle échelle. Et en 1666 un décret royal donne à Riquet l’adjudication des travaux pour la première partie du canal, de Toulouse à Trèbes ( près de Carcassonne ) et érige d’avance l’ouvrage en fief pour lui et sa descendance.
Il y met aussitôt toute sa foi ….. et sa fortune, les autorités provinciales, en particulier l’Intendant du Languedoc, traînant les pieds. Monsieur de Clerville, Commissaire général des fortifications de France, investi de la confiance de Colbert, mène la négociation avec les Etats du Languedoc. Le devis se monte à 10 millions de livres, soit une somme actualisée d’environ 300 millions d’euro. 1000 à 12.000, voire 15.000 personnes, selon les saisons, travailleront à ce chantier pendant 14 ans. De nombreux corps de métier sont représentés : maçons, tailleurs de pierres pour les ouvrages d’art ; niveleurs, forgerons pour l’entretien de l’outillage ; charretiers, voituriers, maréchaux-ferrants, propriétaires de moulins à scie ; mais les ouvriers non spécialisés forment le gros de la main d’œuvre, y compris des femmes : en 1669, par exemple, leur nombre sera de 600 sur un effectif total de 7200, occupées à transporter la terre dans des paniers d’osier. Cette main d’œuvre est surpayée, au grand dam des autres employeurs de la région : 10 livres par mois, avec rémunération des dimanches, jours fériés et jours chômés pour intempéries, paiement des malades ou des blessés, véritable assurance-chômage et -maladie avant la lettre. Le logement est assuré, l’outillage fourni, alors qu’il était d’habitude à l’époque à la charge du travailleur. Cantines et infirmeries sont aménagées.
La rigole de la montagne, amenant les eaux des ruisseaux du versant sud de la Montagne Noire dans le Sor, sur le versant nord, par le col du Conquet, selon un tracé un peu plus bas que celui de la rigole d’essai, est réalisée dès 1667, avec un premier réservoir de retenue sur le Lampy : le Lampy vieux. D’autre part, le 16 avril de la même année, est posée à Saint Ferréol, sur le Laudot, affluent du Sor, la première pierre d’un barrage long de 800 m., haut de 32 m., épais de 70 m., qui va retenir sur 67 hectares 6.000.000 m3 d’eau, le premier grand lac artificiel du monde. Il sera achevé en 1672. Du barrage de Saint Ferréol, par le cours du Laudot, les eaux rejoignent la rigole de la plaine, au tracé lui aussi un peu modifié ; l’ensemble des eaux recueillies arrivant au bassin octogonal de Naurouze, creusé au point de partage des eaux, à l’altitude de 190 m., véritable robinet de distribution, que le limon des eaux d’orage colmatera en une quarantaine d’années, et dont on ne conservera qu’une rigole octogonale sur son pourtour.
L’écluse de la Garonne, qui marque l’entrée du canal à Toulouse, est inaugurée le 7 novembre 1667 en grande pompe par les prélats, capitouls et nobles de la ville. Les habitants de Carcassonne ayant refusé de contribuer aux frais nécessaires à un détour dans leur ville, le canal va rester jusqu’au bout dans la vallée du Fresquel au nord de la ville, séparée d’elle par la colline de Grazaille.
Riquet reçoit en 1669 l’adjudication de la seconde partie du canal, de Trèbes à Cette ( aujourd’hui Sète ), avec traversée de l’étang de Thau depuis le phare des Onglous jusqu’au canal qui fera communiquer l’étang avec ce nouveau port. Déjà projeté de 1598 à 1605 par le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc à l’époque, et le site étant définitivement retenu en 1665 au détriment de celui d’Agde, celui-ci va être également construit par Riquet. La première pierre a été posée le 13 avril 1667 ; il sera achevé en 1682.
La longueur totale du canal sera de 241 Km., 52 sur le versant océanique avec une dénivellation de 63 m., rattrapée par 26 écluses , 184 sur le versant méditerranéen avec une dénivellation de 190 m., rattrapée par 73 écluses.
Les écluses, au total donc 99  à l’origine, d’abord rectilignes, dont les murs ou « bajoyers » avaient un peu « poussé », sont bientôt toutes construites de forme ovale, avec des murs courbes, comme des voûtes horizontales, résistant mieux à la pression du terrain, l’harmonie de la forme s’alliant à l’efficacité. Le matériau est la brique dans la région toulousaine, la pierre, un poudingue, dans le Lauragais et le Bas-Languedoc. Ces écluses portent souvent des noms imagés : écluses du Sanglier, du Roc, du Vivier, de la Peyruque, de la Criminelle, de la Douce, de l’Evêque … Au débouché du canal sur la plaine de Béziers, une dénivellation de 25 m., peut-être mal prévue par les calculs, va être rachetée magistralement sur une longueur de 312 m. par l’escalier des huit écluses, ou plus exactement l’écluse octuple, de Fonséranes ( seulement sept écluses, ou plutôt une écluse heptuple, encore en service actuellement ). L’écluse ronde d’Agde est aussi un chef d’œuvre d’harmonie.
Pour le franchissement des cours d’eau, Riquet est pratiquement l’inventeur du pont-canal ou pont-aqueduc. Le premier a été celui de la Répudre ( 1676 ), le premier construit en France, le second au monde ( le premier étant en Italie ). Riquet en a construit trois autres. 49 autres cas de croisement ont été traités plus sommairement, entre des chaussées régularisant l’écoulement, parfois avec des « épanchoirs » destinés à régler la hauteur d’eau. Les rivières les plus larges, l’Orb, l’Hérault, sont franchies en empruntant leur cours sur une courte section entre deux écluses. L’obstacle de la montagne de Malpas, qui porte l’oppidum ligure d’Ensérune, a été franchi en creusant, de 1679 à 1680, une saignée de 700 m. de long avec  un souterrain de 173 m., le premier réalisé pour un canal, et le premier à l’explosif, mais dont le chantier a causé plusieurs morts.
Les 130 ponts, pour les chemins traversant le canal, oubliés dans le devis initial, seront pris en charge directement par le Roi, mais la difficulté à faire payer les ponts définitifs explique leur étroitesse et le recours à des ponts flottants provisoires. Certains beaux ponts d’origine existent encore, ponts bombés sur une arche en plein cintre, comme le pont du Somail. Les ponts d’une seconde génération, du 18ème siècle, sont d’élégantes arches surbaissées. Au total, on compte 328 « ouvrages d’art », qui méritent leur nom. Un chemin de halage longe le canal sur tout son parcours, les bateaux étant tirés par des hommes ou des chevaux. Les ports établis le long du canal ont été initialement un peu négligés et limités en nombre : port Saint Etienne à Toulouse, ports de Bram, Béziers, Gerbaud, Agde.
Des moulins, aux roues à aubes horizontales, mues par une dérivation du canal, contribuent à la rentabilité. Des lavoirs, souvent construits par des particuliers, dont l’un des mieux conservés est celui de Montgiscard, ainsi que des prises d’eau pour l’irrigation et des abreuvoirs pour le bétail, complètent les aménagements, tandis que des plantations, de peupliers dans le pays toulousain, de platanes partout, de pins francs en Bas-Languedoc à partir d’Argeliers, de cyprès près de Béziers, mais aussi d’essences plus variées             ( frênes, érables, saules pleureurs, arbres exotiques ), au total 60.000 arbres, apporteront leurs ombrages et intégreront l’ensemble dans le paysage, tout en consolidant les rives. Il  y a même des chapelles tous les 30 Km. pour le salut de l’âme des mariniers. 
La dépense totale va, bien sûr, dépasser le devis initial d’environ 50%, s’élevant selon la plus précise des estimations avancées à 15 millions 249.399 livres 15 sols et 6 deniers, en fait entre 13 et 17 millions de livres, soit, dans une transposition actualisée, à environ 450 à 500 millions d’euro, ( peut-être un milliard ? ). Riquet y engloutit sa fortune et même la dot de ses filles, à concurrence de 2 à 4 millions de livres, le reste se répartissant entre le Roi et la Province.
Celui qu’on appellera « le Moïse du Languedoc » meurt, épuisé, le 1er octobre 1680, et ne verra pas l’achèvement de son œuvre et d’un rêve de 17 siècles, achèvement réalisé de façon un peu précipitée sous l’impulsion de ses deux fils Jean-Mathias, baron de Bonrepos, marié ( en seconde noce ) à la nièce de l’intendant Lamoignon de Basville, et Pierre-Paul, comte de Caraman.
Et c’est le 15 mai 1681 qu’une galère ( ou « galiote » ) d’apparat, qui avait été commandée par Riquet dès 1671, pavoisée aux armes du Roi, ayant à son bord le nouvel intendant D’Aguesseau, les membres des Etats du Languedoc, les commissaires du Roi, les archevêques de Toulouse et Narbonne, ainsi que la famille Riquet et l’ingénieur François Andréossy ( 1633-1688 ), de Castelnaudary ; suivie de 23 barques bourrées à craquer de marchandises de France, d’Angleterre et des Flandres à destination de la foire de Beaucaire ; au son des tambours, des fifres et des trompettes ; inaugure, devant une foule massée sur ses berges, le « Canal Royal des Deux Mers », qui prendra par la suite le nom de « Canal du Languedoc », de « Canal d’entre Deux Mers » et finalement de « Canal du Midi » ( après la Révolution ). La brillante flottille atteint Sète en 5 jours.
Le trajet de Toulouse à Sète, au rythme du pas des chevaux, ne demande en effet dans les meilleures conditions que 4 à 5 jours, temps remarquable pour l’époque. Cette voie d’eau imprime un essor économique sans précédent aux régions traversées, répercuté jusqu’à Beaucaire dont la foire accueillera jusqu’à 60.000 visiteurs à chaque Sainte Madeleine. Un service de voyageurs, la « barque de poste », est bientôt mis en service. Chacun des 4 jours du trajet comporte une étape à midi ou « dînée » et une étape du soir ou « couchée ». De Toulouse à Agde, la dînée du premier jour est à l’écluse de Négra, la couchée à Castelnaudary ; le deuxième jour les étapes sont à l’écluse de Béteille et à Trèbes ; le troisième jour à la Redorte et au Somail ; le quatrième jour aux écluses de Fonséranes et à Agde. Chaque étape comporte une auberge et des écuries.
Sébastien le Prestre de Vauban ( 1633-1707 ) a regretté d’avoir été trop jeune pour participer aux premiers travaux. En séjour dans le Languedoc de décembre 1685 à mars 1686, il souligne l’importance de l’ouvrage : « Le canal de jonction des mers est sans contredit le plus beau et le plus noble ouvrage de cette espèce jamais entrepris ». Et il eût préféré « la gloire d’en être l’auteur à tout ce qu’il avait fait ou pourrait faire à l’avenir ».
Sous l’égide de Monsieur de la Feuille, qui a succédé à Monsieur de Clerville comme Commissaire général des fortifications de France, et qui préside aux destinées du canal, une nouvelle campagne de travaux est entreprise sous la direction de Vauban de 1687 à 1693, confiée à Antoine de Niquet, Directeur général des fortifications du Languedoc et de Provence.
49 croisements de cours d’eau établis sommairement sont remplacés par des aqueducs ou ponts-aqueducs, dont les plus remarquables sont ceux : d’Aygues-Vives ( 1687-1689 )( dû à l’architecte Dominique Gilade ) ; du Rebenty ; de l’Orbiel et de l’Argent-Double ( 1688 )( dus aux architectes Colin et Launay ), le second complété par un épanchoir ( 1693 )( dû à l’architecte Jean David ) ; de Pechlaurier ( 1689 ) et de la Cesse ( 1689-1690 )( dus à l’architecte Jean Goudet ) ; de la Quarante ( 1693, repris de 1723 à 1727 ).
Les ports sont multipliés : port Saint Sauveur à Toulouse, port de Castelnaudary. De nombreux ponts sont également reconstruits, aux belles arches encore en plein cintre ou surbaissées, en pierre ou brique.
Le mur de Saint Ferréol est exhaussé de trois mètres ( 35 au lieu de 32 ), faisant passer la longueur de la retenue à 1600 m., sa largeur à 800, sa surface à 89 hectares 60 ares. Enfin la rigole de la montagne est prolongée et mise en communication avec la retenue de Saint Ferréol par le tunnel des Cammazes, percé à travers la crête secondaire séparant le Sor du Laudot, long de 122 m.
Grandioses prolongements de la « magnificence du Roi Soleil », du « zèle du grand Colbert », et du « génie de Riquet ».
L’élargissement du vieux canal romain de la Robine à Narbonne, son raccordement avec le canal principal à Mirepeisset et son prolongement jusqu’à Port-la-Nouvelle sont étudiés dès cette époque par Niquet, mais ne seront réalisés que plus tard.  
Les héritiers de Riquet n’ont achevé qu’en 1704 l’acquittement des dettes laissées par le créateur, mais ils vont se rattraper largement par la perception des droits, le monopole des barques, le privilège de la poste, les revenus des moulins et entrepôts.
En 1708 est réaménagé le port de Saint Etienne à Toulouse. En 1715, un orage a emporté une partie des berges du canal près de Mirepeisset, l’épanchoir des Patasses voisin n’ayant pas été ouvert par suite d’une négligence. Cet incident est probablement à l’origine de l’invention de  l’épanchoir à siphon, en 1775, par l’ingénieur du canal Garipuy. De nombreux ouvrages nouveaux enrichissent encore les réalisations précédentes au 18ème siècle : le nouveau bief de partage à Naurouze, à l’altitude de 189 m. ; des ponts aux arches en anse de panier, comme celui de Gardouch ou le Pont Neuf du Somail ou de saint Marcel (1772-1773 ) ; à Toulouse le nouveau bassin de l’Embouchure et les Ponts Jumeaux ( 1774 ) au-dessus des ouvertures dans ce bassin du Canal du Midi et du Canal de Brienne,( du nom de l’archevêque et Premier Ministre Loménie de Brienne ), percé de 1770 à 1776, dont l’autre extrémité s’ouvre dans la Garonne en amont de la chaussée et des moulins de Bazacle. Entre les Ponts Jumeaux est mis en place en 1775 un bas-relief de marbre, dû à François Lucas, représentant l’Occitanie qui ordonne au canal de joindre les deux mers, tandis que des chérubins joufflus creusent le sol, sous l’œil placide de bœufs gras labourant sous des figuiers.
De 1777 à 1781, un nouveau barrage est construit sur le Lampy, en amont du précédent, retenant un « Réservoir du Lampy Neuf », de 773 m. de long et 584 de large, avec une profondeur de 15 m. et un contenu de 1.672.000 m3. La raison en est le supplément d’eau réclamé par le nouveau canal Mirepeisset-Narbonne-la Nouvelle, réalisé de 1777 à 1787. Du 18ème siècle date aussi le bâtiment de la recette du canal ou « Hôtel Riquet » à Agde.
En 1786 est entreprise la rectification du tracé qui fait passer le canal dans la ville de Carcassonne, sous la direction du comte Jean-Pierre Fabre de l’Aude ( 1755- 1832 ). Il en coûte 2 millions de livres aux Etats du Languedoc. Interrompue par la Révolution, elle ne sera achevée que sous l’Empire, de 1802 à 1810, avec les fonds des banquiers Rothschild et Péreire et grâce à la participation de prisonniers autrichiens. Le franchissement du Fresquel, dévié de son cours inférieur primitif, est assuré par un pont-aqueduc associé à un pont routier de trois arches, long de 40 m. et large de 25.
Le canal a été confisqué à la Révolution. Les actions non aliénées seront restituées aux héritiers de Riquet par Louis XVIII en 1814, et les partages de parts s’échelonneront ensuite de 1817 à 1888.
 Le 18 avril 1814, l’armistice entre le maréchal Soult et le duc de Wellington, après la bataille de Toulouse, est signé dans la maison de l’ingénieur du canal à Naurouze ( deux jours avant le départ de Napoléon pour l’île d’Elbe ).
La première moitié du 19ème siècle voit se succéder des réalisations commémoratives. En 1827 l’érection de l’obélisque de Naurouze par des descendants de Riquet matérialise la reconnaissance du pays. Il est construit en poudingue, la même roche dure qui a servi pour les écluses. C’est celle des « Pierres de Naurouze », qui lui servent de socle, et sont célèbres par les légendes populaires et la prophétie de Nostradamus selon laquelle la fin du monde surviendra lorsque les dalles, séparées par une fente, se rejoindront, et sera précédée d’une grande dissolution des mœurs ! Un monument avec des inscriptions commémoratives est érigé à la prise d’eau de l’Alzeau en 1837. Et deux statues de Riquet sont élevées : l’une à Béziers en 1838, due à David d’Angers, l’autre à Toulouse en 1853, due à Griffoul-Dorval.
D’importants ouvrages techniques continuent aussi de s’ajouter : encore un pont-canal, sur le déversoir de l’étang de Marseillette, en 1827. Le canal du Rhône à Sète est achevé en 1829. Le canal latéral à la Garonne, de Toulouse à Castets-en-Dorthe, long de 193 Km., construit de 1838 à 1852, vient accélérer la liaison avec Bordeaux et parfaire celle des deux mers. En 1854 est mis en chantier le pont-aqueduc de Béziers sur l’Orb, aujourd’hui le plus bel ouvrage architectural du canal, achevé en 1857. Et, de 1855 à 1858, l’ingénieur Maguès conçoit l’aqueduc mobile du Libron, petite rivière côtière aux crues redoutables : elle est divisée en deux biefs ; sur chacun d’importantes maçonneries supportent une série de vannes laissant passer l’eau lorsqu’elles sont ouvertes, des bâches obstruant alors le canal ; barrant au contraire le cours d’eau lorsqu’elles sont fermées, l’ouverture des bâches livrant alors passage aux bateaux ; on fait coïncider l’ouverture d’un bief avec la fermeture de l’autre ; le système est actionné par des roues sur rails disposés au sommet de l’ouvrage.
La circulation des grandes barques, sapines et coutrillons, longues de     29 m., qui ont remplacé les bateaux pontés de 18 m. du 18ème siècle, chargées de blé, vin, charbon, bois, phosphates, bénéficie des progrès techniques de la navigation : après les chevaux, auxquels on reviendra passagèrement en 1940, la vapeur et les roues à aubes, en attendant le moteur à essence. Vers 1850, les bateaux de poste, emportant 100 à 120 passagers, relient Toulouse à Sète en 32 heures et correspondent avec le chemin de fer en direction de Marseille, la ligne de Beaucaire à Sète ayant été ouverte dès 1839, et avec les paquebots de la Méditerranée. 30.000 personnes accomplissent ce parcours chaque année. Le trafic record est atteint en 1856 avec 110 millions de tonnes et 100.000 passagers par kilomètre.
La construction des voies ferrées entraîne celle d’un certain nombre de ponts pour franchir le canal ; mais les relations avec celui-ci ou son système d’alimentation sont parfois plus originales : la ligne de Bordeaux à Sète, inaugurée en 1857, passe ainsi dans un tunnel juste au-dessous de celui du canal à travers la colline de Malpas ; quant à celle de Castelnaudary à Castres, ouverte en 1861, elle passera en tunnel sous les écluses de Saint Roch à Castelnaudary, tandis que la rigole la sautera sur un beau pont-aqueduc.
Le chemin de fer s’avère très vite un concurrent redoutable pour la navigation. Dès 1858, la barque de poste est supprimée par la Compagnie des Chemins de fer du Midi, devenue concessionnaire du canal. Après sa reprise par l’Etat en 1898, les bateaux automoteurs de 30 m. de long entrent en service.
Des travaux de modernisation sont envisagés, visant à mettre le canal au fameux « gabarit Freycinet », qu’on a commencé d’étendre à tous les canaux français à partie de 1880, pour permettre le passage de péniches de 300 tonnes d’une longueur de 38,50 m. Ces travaux, impliquant la destruction de la plupart des belles maçonneries pour les remplacer par du fer et du béton, n’ont été commencés…..qu’en 1978, et ont été heureusement rapidement abandonnés, compte tenu du caractère dépassé de l’objectif poursuivi, vis-à-vis des normes nouvelles appliquées au Rhône et au Rhin, avec le gabarit européen prévu pour des péniches de 1350 tonnes.
Une pente d’eau avec ascenseur a été cependant aménagée à Béziers pour court-circuiter, sans les condamner, les 7 écluses de Fonséranes ( la 8ème  étant exclue depuis la mise en service du pont-canal de Béziers ). En 1957 est construit le barrage des Cammazes, sur le Sor, retenant 16 millions de m3. En 1979, c’est le tour du barrage de l’Estrade sur la Ganguise ( affluent de l’Hers mort, donc sous-affluent de la Garonne ), dont la retenue est mise en communication avec Naurouze par une conduite de 1600 m. seulement, ce qui permet des échanges dans les deux sens s’adaptant aux besoins du canal et de l’irrigation, celle-ci étant un objectif renouvelé dans la décennie suivante.
En 1980 l’autoroute des Deux Mers s’ajoute aux autres voies de communication. A l’endroit où elle croise le canal, non loin de Naurouze, est aménagé Port-Lauragais, complexe accessible depuis une aire de repos, associant un port, un ensemble hôtelier et un musée du canal. Quant à la rocade sud de Toulouse, elle est enjambée par le dernier en date des ponts-canaux.
C’est en 1980 également que les deux dernières « pinardières », le « Bacchus » et le « Dionysos », qui portaient 150 tonnes de vin ( contre 22 dans un camion ), ont cessé définitivement leur activité, vite suivies par les rares autres péniches de marchandises encore en fonction. On est loin du grand projet de canal maritime analogue à ceux de Suez et de Panama.
C’est désormais à la plaisance qu’est exclusivement voué et doit sa conservation ce merveilleux monument du passé qu’est le canal du Midi, le plus ancien canal d’Europe encore en service. L’affluence des yachts privés venus de toute l’Europe, comme des bateaux de location, avec parfois des embouteillages aux écluses, lui confère aujourd’hui le record des  voies fluviales françaises, et de plus en plus nombreux sont les amateurs avides de découvrir sous cet angle original les paysages languedociens, tant dans la portion toulousaine sous le signe de l’épi de blé, que dans la portion carcassonnaise et biterroise sous le signe de la vigne et de l’olivier.
Le nombre actuel des écluses, un peu réduit depuis les origines, est de 61, 15 sur le versant océanique, 46 sur le versant méditerranéen, chiffre qui monte à 89 si on tient compte du fait que 13 d’entre elles sont doubles, 3 triples, une quadruple ( Saint Roch à Castelnaudary ) et une heptuple : l’escalier de Fonséranes. Toutes ne sont pas électrifiées, le système traditionnel d’ouverture à la main étant volontairement conservé sur beaucoup d’entre elles.
Quant au chemin de halage, il est devenu le domaine des cyclistes, et bien sûr des randonneurs pédestres, exemple d’une heureuse reconversion.
Dernier aménagement en 1993 : un adducteur reliant à la Ganguise, et donc à Naurouze, la retenue de Montbel, sur un affluent de l’Hers vif ( lui-même affluent de l’Ariège ), réalisation datant de 1984-1985. Plus récemment encore a été construit le barrage de la Galaube, sur l’Alzeau, en amont de la prise d’eau d’origine de la rigole de la montagne.
En 1996, le classement du canal du Midi au Patrimoine Mondial par l’U.N.E.S.C.O. lui a apporté une ultime consécration.
Un problème a surgi récemment : une maladie frappant les platanes, due à un champignon microscopique, qui a contraint à des abattages et à des replantations : mais ces replantations ne sont pas les premières dans sa longue histoire !    

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